par Chappuis
Voilà déjà cent ans que Sédir a bouleversé la littérature « spirituelle », livrant à un large public ce qui, avant, pouvait être transmis dans des cercles plus restreints. L’essentiel de son message est d’avoir mis à la lumière, espoir sans dimensions, la réalité de la présence du Christ auprès des hommes et cela dans la simplicité même de leur quotidien, au milieu de leurs inquiétudes, de leurs ignorances ; il lui a fallu oser affirmer cette Présence permanente, oser dire, au milieu des concerts religieux, que l’homme a une ligne directe avec Lui ; il n’a qu’à apprendre à s’en servir. C’est cela qu’il définit comme mystique. Cette démarche amène à ne pas craindre le détachement de tous ces liens que notre histoire humaine et personnelle a tissés au cours des générations qui nous ont précédés. Ouvrage en perpétuel recommencement tant la prégnance du sol culturel et cultuel est forte, voire collante.
Si nous mettons à part le dévot qui transforme les livres de Sédir en autant de livres sacrés, préférant la lettre à l’esprit, nous devons bien entendre, et accepter, ce que disent certains lecteurs aujourd’hui, à savoir que l’écrivain a un style fin XIXème, début du XXème siècle. Son objectif n’était certainement pas de faire œuvre de littérature, écrivant plus avec « ses tripes »... Ce qui l’intéressait, tout au moins c’est ce qu’il apparaît, c’est la transmission de ce qui était en lui, de ce qu’il vivait. Il l’a fait avec les mots qu’il avait à sa disposition, à ce moment-là de son histoire personnelle et à une époque donnée.
Une œuvre est à part chez lui : son roman Initiations. Comme tout roman il repose sur un fond de vérités, c’est-à-dire sur des événements ayant existé, sur des personnages ayant vécu. Pour souder l’ensemble des faits il y a la part de l’imaginaire de l’auteur qui rentre en compte ; c’est l’art du peintre qui assemble les différentes couleurs qu’il a sur sa palette... Chaque lecteur va ensuite vibrer à sa mesure avec les personnages, leurs propos, leurs histoires, donnant des visages même, poursuivant dans son propre imaginaire telle rencontre qu’il affectionne particulièrement, c’est-à-dire, qu’il ressent très proche. C’est bien là l’avantage du roman qui va parler directement à l’inconscient, passant par dessus les barrages de la raison, pour peu que la frontière soit perméable.
Pour ses autres ouvrages, notre esprit critique ne doit pas nous faire défaut. Je pense aussi que le lecteur néophyte ne doit pas tout rejeter sous prétexte que parfois Sédir tient des propos très jugeant ; n’oublions pas que la très grande partie de ses écrits sont des conférences publiques et qu’on ne s’exprime pas de la même façon à l’oral qu’à l’écrit. Cette dernière pratique demandant une attention plus grande sur la logique des phrases tout au long de l’ouvrage. N’oublions pas aussi, que bien de ses articles sont écrits pendant ou avant la première guerre mondiale, ce qui laisse transparaître des propos qui ne sont plus d'actualité.
Certes, il emmène le lecteur au long de nombreuses pages, dans les arabesque de l’ésotérisme comme du catholicisme, pour lui dire quelques lignes plus loin que tout cela ne sert à rien, qu’il a la possibilité, s’il le veut, de s’affranchir de ces écoles ; et il met l’accent sur une tautologie : on ne peut courir deux lièvres à la fois, autrement dit, on ne peut être dans une église ou une assemblée ésotérique sans y être totalement. C’est peut-être cette disposition d’esprit qui est la plus difficile à assimiler. Il arrive un moment où tout le merveilleux qui foisonne dans ses ouvrages devient encombrant : il faudrait pouvoir « distiller » ses écrits pour en extraire l’huile essentielle qu’ils contiennent.
Il ne demande pas à celui qui l’écoute « de tout quitter pour le suivre » ; à chacun d’utiliser ses « talents », de les faire fructifier, tout en sachant qu’on ne fait que rendre à la Terre ce qu’elle nous prête. Il appartient en même temps à chacun de mettre en conformité sa vie intérieure et sa vie extérieure : ça c’est affaire privée.
Il faut le suivre, même si parfois on a l’impression de propos contradictoires, emprunts d’une dichotomie qui ne semble pas de mise. On ne peut pas réécrire les textes de Sédir, mais on peut, à la fois mettre l’accent sur les courants de force qui passent les années, et sur ce qui ne trouve plus d’écho aujourd’hui, tout au moins, pas avec la même force qu’en 1920.
Je pense qu’il y aurait grand danger à transformer ses dires en dogme, en autant de lettres intouchables ; il y a plus d’avantages à les faire vivre en 2011 avec l’esprit de notre temps. Car cet essentiel est contenu dans le message du Christ, message divulgué par Sa Présence permanente. C’est à nous de digérer ce que nous avons trouvé chez Sédir. Cette digestion fait que nous assimilons les nutriments, que nous les faisons nôtres. Seulement ensuite, nous trouverons nos propres mots auxquels nous donnerons toute la force de la réalité de notre personnalité.
Commentaires