par Paracelse
Meilleure est la quiétude que l’inquiétude : mais plus utile est l’inquiétude que la quiétude. L’homme inquiet est actif, et cela tous les jours, alors que celui qui est en repos ne considère que ce qui se rapporte à sa propre paix. L’homme inquiet est expérimenté, il a la science et l’habileté des choses dans lesquelles il s’est exercé. On peut beaucoup apprendre de lui si l’on souhaite progresser dans l’habileté.
Mais c’est l’inquiétude qui manifeste la quiétude ; c’est le repos qui rend visible l’agitation de l’homme inquiet – tout comme le vice rend patente la vertu. C’est pourquoi il faut que le scandale arrive, même si celui par qui il arrive est maudit. Il faut qu’il y ait le bien et le mal pour que l’un manifeste l’autre, pour que se montre par l’un ce qui est celé dans l’autre.
[...] Déjà la nature nous apprend que les orties, les chardons et les autres mauvaises herbes poussent au milieu des bonnes, en leur nuisant, tout en mûrissant en même temps qu’elles. Et aussi que la rouille attaque les métaux... Il n’existe rien qui n’ait son contraire et qui n’en pâtisse. Le bien doit ainsi être purifié, purgé tous les jours de la vie ; pas une heure n’est donnée au repos, pas un moment où ne s’accomplit, dans la contrariété, un travail de purgation.
[...] Celui qui dénigre l’art de quelqu’un conduit celui-ci à réagir et à se défendre, de sorte que par l’attention que le dénigrement suscite, l’art se manifeste mieux qu’avant. C’est pourquoi on peut appeler le mal un bien, parce qu’il rend visible le bien qui, sans lui, sommeillerait et demeurerait non patent. Mais si le vrai ne vient au jour que par le mensonge, malheur toutefois à celui par qui le mensonge arrive.
Chacun doit s’exercer afin d’arriver à connaître, dans et par l’action, ce qui, en lui, se trouve celé ; car dans le repos, sans l’action il ne le saurait jamais. Personne n’est privé de don, ni l’homme bon, ni l’homme méchant ; chacun renferme en soi une perle : pour le méchant c’est sa méchanceté, pour le bon c’est sa bonté.
Que chacun soit à la recherche de ce qui est celé en lui, et que cela vienne au jour : la méchanceté par le méchant, la bonté par l’homme bon. Et que toutes choses viennent du cœur, le mal comme le bien ; que le méchant dise qu’il ne peut être autre, et que l’homme de bien parle mêmement ; et que ce qui est donné à chacun ne le quitte point ; mais que cela advienne, car la méchanceté est lumière pour l’homme méchant, et la vertu lumière pour l’homme juste. Il ne faut pas mettre ce qui est lumière sous le boisseau, mais le placer sur le banc pour que chacun voie et connaisse comment une lumière éveille et manifeste l’autre.
L’arbre se laisse reconnaître à ses fruits, l’oiseau à son chant ; il convient de même de savoir reconnaître en l’homme les signes qui permettent de savoir de quelle espèce d’arbre il est. N’est-il pas dangereux de boire d’une fontaine qu’on ne connaît pas, ou de manger le fruit d’un arbre qu’on ne connaît pas ? Très vite, sans prendre garde, on mangerait sa propre mort. Mais l’homme vaut plus qu’un arbre, et donne plus de fruits qu’un arbre : il est rusé, multiple, et porte des fruits singuliers, tantôt doux, tantôt acides, tantôt amers.
Or, tout ce qui est doux n’est pas pour autant remède, ni ce qui est amer poison. La nature manifeste son mystère et sa puissance en cachant le remède dans le poison. Il en va de même de l’homme : tout ce qui est caché doit être manifesté, le mal comme le bien. Le diable pousse au jour le mal, Dieu le bien. Que le méchant demeure dans sa foi, et meure ainsi ; que l’homme juste demeure dans sa foi et meure de même ; et que ce qui est donné à chacun ne le quitte point. […]
Paracelse, Arfuyen, 1991, p. 44. [extraits]
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