par Sédir
Qu’est-ce que la volonté ? C’est le pouvoir de faire concourir toutes nos forces à la réalisation de ce que l’on décide. La violence, le parti pris, l’entêtement n’en sont que des excès ou des faiblesses. Elle est la maîtrise de soi et l’exercice du libre-arbitre. C’est la plus haute force de notre être conscient.
L’homme est fait pour se développer jusqu’à la perfection. Dans quel but ? Pour devenir fort ? Pour échapper à la souffrance ? Ou bien pour mieux aider ses frères en accomplissant le dessein de Dieu ? Voici le vrai but ; les deux premiers sont faux.
Quelles méthodes emploiera-t-il ? Les cultures artificielles de l’Ésotérisme et leurs succédanés anglo-saxons, ou bien la culture naturelle que l’Évangile indique ? C’est à celle-ci que vont évidemment mes préférences. Car l’existence n’est pas que mentale ou sentimentale, elle est surtout réelle et faite d’actions ; pour être pleine et fructueuse, elle exige sans doute une vie intérieure intense de culture morale, esthétique et intellectuelle, mais encore une vie extérieure non moins intense d’œuvres de devoir et d’œuvres d’altruisme. Nous sommes terrestres ; nous ne nous débarrasserons pas de la matière en la niant, mais en la spiritualisant. [...] [Ceux] qui croient se perfectionner par la seule méditation, par la seule extase, par le seul athlétisme, ou par l’esthétique, ou par les rites, ou par les entraînements respiratoires, ou par des excitants [ne sont pas dans le vrai].
L’homme est un petit univers ; pour devenir parfait, qu’il fasse appel à tous les moyens, mais que le moyen ne devienne jamais un but. L’homme est une cellule de l’humanité ; il ne se développera qu’en vivant avec les autres, puis pour les autres.
En résumé, l’homme ne se donne de la peine que par amour : amour de soi, amour des siens, amour de l’humanité, amour de Dieu, et il ne peut trouver que dans le seul amour de Dieu la force de vaincre les bas attraits de l’amour de soi ou les déceptions souvent amères de l’amour familial et de la philanthropie. Que l’amour de Dieu devienne notre unique mobile, notre but unique et notre méthode !
On ne peut pas vivre toujours dans l’enthousiasme, on ne peut pas non plus toujours se créer des enthousiasmes. Au-dessus de l’amour sentimental existe donc un amour de raison, un amour intellectuel et calme. Mais certaines crises intérieures ne laissent plus notre pensée se déployer sereinement ; elles peuvent réduire en chaos et l’intelligence et l’organisme affectif et même l’organisme nerveux. Alors intervient la forme la plus spirituelle de l’amour, l’amour de volonté. Ainsi, quel que soit l’état psychique ou l’état physiologique, quelle que soit la complexité des soucis d’affaires ou la turbulence des passions, l’homme peut toujours, s’il le veut, agir selon l’amour.
Vouloir ce que Dieu veut : voilà l’arcane de notre perfection.
Une fois que l’on sait cela, de science intime et certaine, deux méthodes se présentent au chrétien.
La première, plus prudente, divise le travail et s’efforce de vaincre l’une après l’autre, en les isolant, les diverses faiblesses de notre gouvernement de nous-mêmes.
La seconde méthode, plus mystique, plus évangélique, mais qui exige une profonde humilité, nous place dans un abandon total entre les mains du Christ, nous désintéresse, pour ainsi dire, de nous-mêmes et nous apprête à toutes les éventualités. Car le souci de notre perfection nous limite et nous ferme peut-être telles avenues spirituelles pour le moment invisibles. À partir de ce sacrifice complet, le Christ prend le disciple avec Lui et, tout en lui conservant l’armature de son destin, en change l’atmosphère, de telle façon que n’importe quelle chose alors survenant à ce disciple lui devient un signe de la volonté divine. Au disciple alors d’effectuer cette volonté ; dans ses devoirs, ses occupations, ses plaisirs ; dans ses études et ses entreprises, ses sentiments et ses opinions ; dans ses rapports avec autrui ; obéissances, commandements et entraides ; jusque dans sa démarche, son langage ou son vêtement.
Voilà ce qu’il faut faire. Il faut le faire avec calme et avec optimisme ; il faut dire : En avant ! Et : Oui. De même qu’on ne guérit pas un ivrogne en l’empêchant par contrainte de boire, nous ne guérirons pas nos faiblesses ni nos vices en les jugulant, mais bien plutôt en nous créant les vertus correspondantes.
[...]
Tel est l’esprit général d’une éducation chrétienne de la volonté.
L'énergie ascétique et l'éducation de la volonté, ed. 1981. [extraits]
En avant ! Cette injonction de Sédir me rappelle quelqu'un.
"Yalla !"
Ce mot arabe qui signifie "Allez, va de l'avant"; l'ancienne chiffonnière du Caire l'employait souvent pour décrire son action et sa détermination.
Rédigé par : Laurent | 12 septembre 2012 à 08:35