par Rubys Botréas
Imaginez un étroit sentier qui conduit vers le sommet d’une colline. Avec quelques amis nous avançons lentement, l’un derrière l’autre, à cause de la végétation qui s’élève et s’enchevêtre ; une légère pénombre plonge malgré nous notre conscience dans un repli intérieur, comme si chacun devenait conforme à l’attitude qu’il découvre. Au-dessus de nos têtes, les arbustes oscillent et nous laissent voir quelques bribes de ciel bleu. Aucun nuage, pas même un cumulus ne peut résister à ce vent qui manifeste sa puissance comme le souffle d’un taureau de Camargue. Dans la vallée tout est nettoyé, jusqu’à la moindre poussière. Seul le soleil rayonne de tout son éclat pour remercier le Mistral qui le sert dans toute sa majesté.
Dame nature, complice du vent, charge l’air de ses multiples effluves ; chacun vagabonde au grè de sa mesure, se laissant pénétrer de ces bienfaits qui nous prédisposent à l’enchantement de cette expérience intérieure, d’une puissance qui nous dépasse.
En cette belle journée les nombreuses couleurs de l’automne sont encore présentes et les vaillants rayons de soleil qui filtrent aux travers des quelques feuillages, qui ont su résister à cette minuscule tempête, scintillent de mille feux, comme pour honorer leur dernier instant de vie.
Notre petite troupe avance tel un mille-pattes qui épouse les sinuosités du chemin. Nos souffles courts, unis comme un seul, rythme notre allure ; aucun de nous ne ressent la fatigue, notre union est complète. Nous partageons pleinement ce moment et le temps qui passe nous garde dans le présent.
Nous approchons du sommet, la végétation progressivement s’ouvre comme le rideau d’une scène de théâtre laissant apparaître un premier tableau. Ce brusque changement de lumière nous éblouit quelques instants. Nos yeux grands ouverts, contemplent de ce balcon le paysage qui se présente. En face de nous se dresse, majestueux le mont Ventoux, enveloppé d’un luxueux vert manteau ; plus haut sur le sommet, l’absence de végétation laisse apparaître la station météo qui pointe sa flèche arrogante vers le ciel.
À ses pieds, quelques vignes à flan de coteau, en forme d’espaliers ressemblent à des marches conduisant aux parvis d’une cathédrale. Tout en bas, la vallée, les différents terrains de cultures qui la composent dessinent un patchwork aux couleurs chatoyantes. Plus loin sur notre droite, la chaîne des monts de Vaucluse s’étale comme un serpent fuyant vers l’horizon. Sur notre gauche les Dentelles de Montmirail : leur nom défini la délicatesse de leurs contours et se passe de tout commentaire.
Pour mieux connaître ce pays,c’est par temps de mistral qu’il faut venir en ces lieux. Tournez-vous vers le Nord, face au vent, ouvrez grands vos bras, fermez les yeux. Laissez vous emporter comme l’oiseau utilise les courants d’air pour voyager dans le ciel. Chaque rafale vous élèvera plus haut, toujours plus loin. Entre deux bourrasques de vent écoutez ce bref silence, c’est là que vous entendrez par la voix de votre conscience, les paroles de ce fils et Maître de la Provence.
Lorsque vous reviendrez sur terre, il vous sera impossible d’expliquer cet instant de grâce, cette relation, aucun vocabulaire ne saurait lui suffire. Impossible d’oublier ce moment d’éternité, qui ne se partage que dans l’union avec l’être qui nous habite.
Ami, où que tu sois, qu’importe le temps, qu’importe le lieu, c’est dans le silence de ton cœur que la voix de l’Ami résonne comme l’écho en montagne.
Commentaires