Dans son livre, remarquable à plus d’un titre, sur l’histoire de l’occultisme et consacré à la vie ainsi qu’à l’œuvre de Papus, le distingué directeur de la revue, le Dr Philippe Encausse, consacre un chapitre à la personnalité puissante du guérisseur Nizier Philippe qui fût le maître spirituel de son père, Gérard Encausse.
Ce maître spirituel, le Dr Philippe Encausse nous explique que Papus en entendit parler par sa belle-mère qui avait été guérie par lui. Il se rendit à Lyon accompagné du Dr Lalande (Marc Haven), en 1896, et fut convaincu de la puissance du « thaumaturge » par les miracles qu’il pût constater « de visu » dans la salle de séances que tenait Philippe, 35, rue Tête-d’Or, à Lyon ; dès lors, ils s’attachèrent tous deux à l’enseignement spirituel de cet être aussi étonnant que modeste dans la vie journalière.
Le maître Philippe avait un collaborateur qui l’accompagnait quotidiennement dans son œuvre de guérison et de relèvement des âmes, il s’appelait Jean Chapas.
Nous voudrions, dans la présente étude, montrer l’activité et esquisser un portrait de ce disciple bien-aimé de Philippe, que nous avons bien connu entre les années 1921 et 1932.
Jean Chapas est né à Lyon le 12 février 1873. Celui qui devait être, dès sa vingtième année, le compagnon journalier et, plus tard, le successeur de Philippe dans sa mission de prière et de guérison, naquit, comme celui-ci, dans une humble famille. Son père était pêcheur. Il possédait une installation le long de la Saône dont il tirait la subsistance des siens.
Lorsque l’enfant eut terminé ses études primaires, dans un collège de l’endroit, ses parents lui firent faire des études en vue de l’obtention du brevet de capitaine de navigation sur le Rhône. Ce brevet, il l’obtint, mais il ne l’utilisa pas, car au retour de son service militaire, Philippe, qui le connaissait, s’attacha sans retard ce jeune homme en qui il avait distingué des dons particuliers pour son œuvre spirituelle.
Pendant quelques années, il accomplit dans le silence toutes les tâches que lui confia Philippe. Nous tenons de Mme Chapas elle-même que ce furent, pour le jeune homme, des années d’épreuves spirituelles et de formation interne au travail qui l’attendait.
Finalement, Philippe remit un jour à Jean Chapas, devant celle qui devait être plus tard son épouse, une corde à nœuds qu’il avait confectionnée à son intention et lui dit textuellement : « Tu te tiendras chaque jour pendant une heure dans ta chambre : lorsque tu seras arrivé à ce nœud-ci, tu seras devant le Saint-Esprit. » Jean Chapas ne dit jamais mot à personne à ce sujet.
En 1894, Philippe le présenta à ses malades, dans la salle des séances, et leur dit, le 21 février 1894 : « Vous dites : comment se fait-il que je parle toujours de Dieu lorsque, autrefois, je n’en parlais pas ? En effet, maintenant, Monsieur Chapas est chargé de faire ce que je faisais autrefois, il prend le nom des malades et il assume sur lui une grande responsabilité. » Plus tard, le 9 juillet 1894, il leur dit encore : « C’est à votre insu que Chapas et moi cherchons à guérir votre âme, car il nous faudrait obtenir de vous des promesses que souvent vous ne tiendriez pas »
Dès lors, Jean Chapas seconda régulièrement le guérisseur dans ses travaux et ses œuvres envers tous ceux qui s’adressaient à lui.
En 1898, il épousa Louise Grandjean, fille d’un artisan menuisier, qui était née le 28 mai 1868, à Vaux près de Villefranche-sur-Saône ; de ce mariage, il eût deux filles, dont la première décéda en très bas âge.
Lorsque Philippe s’en alla de l’autre côté (5 août 1905), Jean Chapas continua à recevoir les malades qui venaient toujours nombreux à la salle de la rue Tête-d’Or.
L’été, il habitait l’Arbresle, localité située à une heure en train à l’ouest de Lyon, au pied des Monts Sauvages, où, dès 1911, il s’installa dans le vaste couvent des Ursulines qui domine la petite ville. Ce couvent avait été légué à sa femme par sa propriétaire, Mme Santa-Maria.
Les médecins lyonnais firent un procès à Jean Chapas en 1908, pour exercice illégal de la médecine. Mal leur en prit, car il fut acquitté, le tribunal ayant reconnu que le successeur de Philippe n’agissait que par la prière.
Jean Chapas était en relation, par un industriel de Strasbourg, Georges Haehl, qui avait connu Philippe, avec les milieux irrédentistes français en Alsace. Il connaissait intimement le Dr Bucher, beau-frère de Georges Haehl, qui dirigeait ce mouvement. Ce fut, rappelons-le, Bucher qui confia ses notes d’officier à Barrès lorsque celui-ci écrivit son roman : Au service de l’Allemagne ; ce fut également Bucher qui documenta Bazin pour Les Oberlé.
Ces milieux alsaciens avaient une grande confiance en Jean Chapas qui leur annonçait une guerre prochaine, suivie du retour de leur contrée à la mère patrie. Lorsque cette guerre fut imminente, Jean Chapas invita la famille du Dr Bucher à venir en vacances à l’Arbresle. C’est là qu’en octobre 1914, le Dr Bucher, qui avait été surpris par les événements dans sa tâche patriotique, vint les rejoindre après s’être enfui d’Alsace pour se mettre au service de l’espionnage français pendant toute la durée de la première guerre mondiale. Sa famille devait ainsi, par les soins heureux de Jean Chapas, rester à l’abri des épreuves que les Allemands n’auraient pas manqué de lui faire subir en Alsace même.
Dès le début des hostilités, Jean Chapas affecta la plus grande partie de sa propriété de l’Arbresle à l’installation d’un hôpital militaire, qui fut officiellement agréé comme hôpital de seconde zone pour les blessés mis en convalescence.
Cet hôpital comprenait soixante lits. Il resta ouvert jusqu’en 1919.
Nous ne savons ce qui doit être le plus admiré dans la mission de cet Ami de Dieu, de l’œuvre spirituelle de prière qu’il accomplissait inlassablement pour tous, ou de l’œuvre matérielle de cet hôpital de guerre dont il assuma les frais et pour lequel il reçut la médaille militaire. Quel homme aurait accepté d’accomplir une double action quotidienne, avec tous ses soucis, ses entraves et ses incidents ? Il y fallait une énergie et une capacité peu ordinaires. Rares, nous le savons, sont ceux qui peuvent ainsi conjuguer l’action directe avec la charge morale des malheureux à soulager et à réconforter pendant ces longues années de combats meurtriers. Lorsque, plus tard, nous avons connu ce chapitre de sa vie, nous n’avons pu nous empêcher de lui dire notre étonnement et notre admiration. Il se contenta de nous répondre : « C’est le Ciel qui a fait cela. »
Nous étions en 1920. Jean Chapas allait bientôt fermer la maison de séances de la rue Tête-d’Or. Notre père, Maurice de Miomandre, écrivain et journaliste, qui dirigeait alors le service officiel de la presse de l’armée belge d’occupation sur le Rhin, l’avait revu en 1919.
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