par AdHoc
« Je me trouvais dans l’île de Patmos, à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus »
Ap 1, 9
J’aimerais vous faire part de la rencontre sublime qu’il m’a été donné de faire pendant mon voyage de noces en mer méditerranée, un matin d’été, aux environs de l’archipel des Cyclades. Le paquebot sur lequel nous voyagions, jeta l’encre au large de l’île mythique de Patmos, quelques instants après l’aurore d’un jour nouveau. La douce chaleur du matin, le calme des rues pavées et l’enthousiasme estival qui m’animait à ce moment-là ne me laissèrent pas présager, une seconde, la rencontre que j’allais faire au cours de cette matinée de juillet.
Le cœur de ce bout de terre émergeant des eaux représente l’âme de l’ensemble des cent soixante îles et îlots du Dodécanèse. Il abrite la grotte dans laquelle l’apôtre Jean écrivit le livre de l’Apocalypse, après y avoir été exilé par l’empereur Domitien et être sorti sain et sauf du bain d’huile bouillante que lui avait fait préparé ce sordide héritier de l’Empire romain (1). Cet épisode fit d’ailleurs de Jean le seul apôtre qui ne succomba pas à son martyre. Il est, et demeure, le Témoin immuable du Maître.
Jean était donc un de ces premiers chrétiens qui dérangeaient le pouvoir politique en place parce qu’ils reconnaissaient le Christ et vivaient leur foi en Lui ; pire que ça, ils attiraient à eux bon nombre de catéchumènes qui se convertirent volontiers aux préceptes du fils de l’homme. Ils formèrent ainsi la première communauté chrétienne n’ayant « qu’un cœur et qu’une âme (Ac 4, 32) », cette Église primitive simple, discrète et charitable.
C’est donc au cours de ces trois années passées sur l’île que le « Maître-de-tout » lui demanda d’écrire le livre de l’Apocalypse : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre pour l’envoyer aux sept Églises : à Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée ». Et plus loin : « Écris donc ce que tu as vu : le présent et ce qui doit arriver plus tard ».
Mais revenons à la visite de cette île aux senteurs légères et à la luminosité d’aquarelle. Avec mon épouse, nous avions loué un scooter afin de nous évader du groupe et profiter pleinement de la liberté qu’offre le riche environnement naturel de l’île. La matinée fût de courte durée face à la beauté des paysages enivrants ; l’heure du déjeuner, rappelant le retour au bateau, approchait à grand pas, malheureusement. Je me souvins alors, de la grotte dont on m’avait parlé. Il ne nous restait que quelques minutes et je n’avais aucune idée de l’itinéraire à emprunter… Heureusement, accéder à ce refuge sacré, chargé d’un passé évangélique de pure tradition, ne nécessite aucune carte détaillée ; la grotte est un site classé au patrimoine mondial de l’humanité et proposée par toutes les agences de voyages au cours de leurs circuits touristiques.
À peine quelques kilomètres plus tard, dans un large virage, un indice apparaît enfin derrière les arbres très verts. Je quitte la route et bientôt le scooter. Le lieu n’a rien de fantastique ; un petit muret, du sable, un clocher, beaucoup de touristes et un escalier descendant je ne sais où ; au loin, le bleu de la mer Égée, omniprésent. La trentaine de marches, abruptes, fixent toute mon attention… mais bientôt l’ombre que procure l’entrée de la grotte me libère de l’aveuglante blancheur des murs imprégnés du soleil de l’île sacrée (2).
J’aperçois un autel, des ornements aux reflets dorés et quelques bougies allumées ; visiblement, une modeste chapelle y a été érigée ; nous entrons…
Une émanation d’encens agrémente l’endroit… Soudain, je ne perçois plus l’ambiance ni les bruits extérieurs… Je me sens au calme… le temps s’arrête.
C’est à ce moment que les organes les plus sensibles de ma personne sont pénétrés, sans effort, par quelques effluves surnaturels qui vont me bouleverser. L’intense émotion me saisit progressivement et s’amplifie. Au fur et à mesure, un cloisonnement translucide m’isole de tout ce qui m’entoure. Cela se passe à l’intérieur de moi, en toute intimité. Quelle puissance, quel éclat… et quelle douceur cependant ! Cela s’est présenté là, sans prévenir, et je ne pus rien faire que d’en bénéficier sans mot dire, mais les larmes qui ne cessaient de parcourir mes joues témoignèrent de l’ampleur de l’évènement.
Ressentir des émotions de toutes sortes ne m’était pourtant pas inconnu, mais définir ce que j’avais ressenti à ce moment-là n’est pas aisé.
Le lieu était-il connu pour être positionné sur un nœud tellurique particulier ? Avais-je été effleuré par l’égrégore chargé des chants et des prières des moines de l’île, venant parfois se recueillir devant la couche du fils adoptif de la Vierge Marie ?
Puis-je employer, à contrario de ces influences fluidiques naturelles ou psychiques, le terme de « grâce » ?... Je ne sais pas vraiment… Jean signifie Grâce de Dieu, paraît-il… Sans nul doute ! Cette force divine, la grâce, vient d’en haut et non d’en bas, explique Sédir : elle demeure impalpable, insaisissable, imperceptible, même aux adeptes ; elle traverse tout, passe partout ; nous ne pouvons qu’en saisir les effets. Et quels effets !
Rebrousser chemin et revenir au monde « normal » ne se fit pas sans une sorte de nostalgie ; je crois bien que c’était la première fois que je marchais aussi longtemps, la tête tournée vers l’arrière, profondément marqué par ce qui venait de se passer, et contraint de laisser derrière moi, un trésor spirituel précieux.
Cet épisode fut le point de départ d’un intérêt grandissant pour ce livre mystérieux qu’est l’Apocalypse ; de prime abord, la description des visions de l’apôtre sont effrayantes de « justice divine ». Que de présages incompréhensibles, de symboles insondables et de terribles avertissements annoncés tout au long du livre jusqu’à la capture de la Bête, jusqu’au jour du jugement des morts, puis enfin, la descente de la Cité Sainte, cette Jérusalem nouvelle, belle comme une jeune mariée parée pour l’époux, au sein de laquelle ni la mort, ni les pleurs, les cris ou les peines n’existent plus, et traversée par le fleuve de Vie jaillissant du trône de Dieu et de l’Agneau.
Comment comprendre ces révélations faites par l’Ange de Jésus ?... Jésus qui, au cours de l’épilogue de l’Apocalypse, invite l’homme assoiffé à s’approcher de Lui et promet gratuitement l’eau de la vie à l’homme de désir...
Un commentaire sur ce livre, écrit de la main de Sédir, a été publié dans un bulletin des Amitiés Spirituelles, datant du 25 février 1920. Il clarifie de façon non négligeable cette lecture quasi-insondable. Il vous sera proposé bientôt sur ce blog : les symboles véhiculés à travers l’œuvre de l’aigle de Patmos méritent bien l’éclaircissement assuré de ce cher mystique du Pays de Rance.
Note : Nous remercions vivement Marie Lavie pour l'autorisation qu'elle nous a accordé pour la publication de deux photos de ses œuvres.
(1) La révélation fut écrite en l’an 95 selon le récit traditionnel ; une autre hypothèse relate cependant que le livre fût écrit en 70, avant la chute de Jérusalem, sous le règne de Néron.
(2) Officiellement déclarée « île sacrée » par le parlement grec en 1981.
(3) Jean dictant ses visions à Prochore, dans la grotte de l’île. Prochore avait été élu par les douze apôtres en même temps qu’Étienne, Philippe, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas pour assurer le service quotidien de la communauté des premiers chrétiens. « Ils furent les diacres de l’Église primitive ; elle était la plus ancienne fonction administrative instituée dans l’Église et fondée par les apôtres. Bien que remplis d’Esprit Saint, ils n’avaient pas le pouvoir de communiquer l’Esprit » (La Didaché et l’Église primitive, Émile Besson). Après avoir accompagné l’apôtre Pierre, qui le fit évêque de Nicomédie, il devint le compagnon et précieux collaborateur de Jean.
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