par Émile Besson
Parmi les enseignements de M. Philippe, il en est un que je voudrais vous exposer. Mais je tiens à attirer immédiatement votre attention sur ceci : ce que j’ai à vous présenter est quelque chose d’entièrement nouveau, d’entièrement différent de ce que vous avez entendu enseigner dans les églises et par les théologiens. Par conséquent, si vous voulez recevoir cet enseignement de M. Philippe, il vous faut faire un effort d’intelligence, de bonne volonté. Aussi, je vous demande de faire bien attention ; le sujet en vaut la peine.
Je me propose donc de vous exposer ce que M. Philippe a dit du PÉCHÉ ORIGINEL, de la FAUTE D’ADAM et du DIABLE.
Vous voyez d’emblée la grandeur du problème. Que devons-nous penser de celui que l’Écriture appelle, en hébreu, Satan, l’Adversaire, l’Ennemi ; en grec le Diable, celui qui désunit, l’Accusateur, le Calomniateur ? Vous connaissez l’enseignement traditionnel. Le voici en résumé :
– Satan se rebelle contre Dieu ;
– Satan est vaincu et précipité dans l’abîme ;
– Satan, pour se venger, séduit l’homme et devient son maître ;
– Le Christ remporte la victoire sur Satan et fournit aux hommes des armes pour le vaincre à leur tour ;
– À la fin des temps, Satan tente de prendre sa revanche par le moyen de l’Antéchrist ;
– Quant à l’homme, par suite du péché d’Adam, il est devenu prisonnier et esclave du Démon.
Que pouvons-nous penser de ces points de vue qui, dès l’aurore de la théologie, ont soulevé d’ardentes polémiques ? D’abord, il semble inouï que Lucifer, créé par Dieu semblable à Lui-même, ait pu concevoir l’idée de se révolter contre son Créateur. Et puis, la Bible raconte que l’homme fut séduit par Satan et qu’il commit ce que l’Église appelle le Péché Originel. Il faut reconnaître que le récit de la Genèse, dont le caractère symbolique ne supprime nullement la difficulté, est malaisément acceptable. Parmi tous les arbres du Jardin d’Éden, il en est deux : l’Arbre de la Connaissance et l’Arbre de la Vie, que l’homme et la Femme ne doivent pas toucher. Bien entendu, l’Homme et la Femme succombent à la tentation.
Qui de nous n’a pas pensé que si Dieu ne voulait pas que l’homme acquît la connaissance, et l’immortalité, Il Lui était facile de ne pas placer ces arbres dans l’Éden ou de mettre l’homme hors de leur voisinage ? La tentation, il est vrai, fut l’œuvre de Satan. Mais l’antique Serpent n’a pas pu pénétrer dans le jardin et s’adresser à la Femme sans que le Maître du Jardin l’ait su ni l’ait voulu.
Donc, dès la première heure de la vie humaine, Dieu apparaît comme la cause de la tentation. On n’est pas surpris de lire, dans les souvenirs des séances de M. Philippe, que quelqu’un déclara un jour au Maître que Dieu est l’auteur de la tentation. Or M. Philippe répondit : « Dieu n’est pas du tout l’auteur de la tentation ; bien au contraire. » Les théologiens, à commencer par saint Paul, ont enseigné que le péché du premier homme – appelé péché originel – s’est transmis à tous ses descendants, si bien qu’en la personne d’Adam tous les hommes ont péché.
Ne trouvez-vous pas inouï que le péché, tout personnel, du premier homme et de la première femme, si énorme qu’il ait été, doive être payé collectivement par toute leur postérité, de génération en génération, pendant des siècles par milliers ? Tout ceci revient à dire que toutes les explications des théologiens, en réalité, n’expliquent pas grand chose. Or sur ces très graves problèmes M. Philippe a apporté la véritable et indiscutable solution. En face des constructions des théologiens il a fait une simple et définitive déclaration. En réponse à une question, il a dit : « La Chute de l’homme : il n’y en a pas eu. » Vous le voyez, ce n’est pas compliqué. Mais il faut expliquer comment les choses se sont passées.
La théologie enseigne que la chute du premier homme a eu un caractère moral, qu’elle a été une faute et qu’elle a contaminé toute l’espèce humaine. Or il n’y a eu ni chute ni péché.
L’Église enseigne que Dieu a créé des anges et qu’une partie de ces anges se sont révoltés contre Lui. Or il n’y a pas eu de révolte.
Qu’y a-t-il donc eu ? Voici ce que M. Philippe a enseigné : à un moment donné Dieu a dit à une partie des anges : « Partez acquérir la Connaissance. » Dieu les a donc envoyés à l’extrémité du Relatif, à charge par eux de remonter au travers du relatif jusqu’à Lui. Avant de descendre dans la matière les âmes vivaient dans le paradis dans l’état d’innocence, par conséquent de non-connaissance. En ceux que Dieu a choisis c’est-à-dire les hommes, Dieu a mis le sentiment de l’intérêt personnel. Ne dites pas qu’en faisant cela Dieu est l’auteur du mal. L’intérêt personnel est l’aiguillon qui nous fait travailler, le moteur qui nous fait avancer. S’il n’était pas en nous, nous ne ferions jamais rien. Et c’est ainsi qu’il y a entre les êtres des différenciations. Les uns se sont attachés plus ardemment que d’autres à la poursuite des choses sensibles. Si l’homme n’était pas descendu, il ne connaîtrait rien. Descendu, puis remonté, il est au-dessus des anges. C’est ainsi que tous nous reviendrons à notre point de départ. Et M. Philippe a ajouté : « Un certain nombre d’âmes sont restées dans le paradis, attendant pour plus tard ce que vous appelez la chute. »
Et Lucifer ?
Notre vie n’a une valeur morale que si nos actes sont le résultat d’un choix. Un choix entre deux sollicitations égales et de sens inverse. Ainsi Dieu a-t-Il placé en face de Lui, dans l’univers créé, un être à qui Il a donné une puissance égale à la sienne – en gardant toutefois pour Soi-même la Sagesse – et qui sollicite les créatures dans le sens opposé aux sollicitations de Dieu. Et M. Philippe a déclaré : « Le Démon a été créé pour nous faire avancer ; sans lui nous nous encroûterions. » Jusqu’à la fin de la création aura donc lieu l’immense dualité : Dieu attirant les créatures vers Lui, et Lucifer les attirant dans le sens opposé. Et le drame de la Création se joue dans le cœur de l’homme qui est appelé à remporter la victoire sur l’adversaire et à revenir à Dieu. Lucifer est donc l’antagoniste de Dieu, mais il n’est pas Son ennemi. Il est son collaborateur indispensable. M. Philippe a même dit cette parole extraordinaire : « Il brûle de m’obéir. » Et lorsque après des siècles par milliers les créatures seront toutes revenues à Dieu, Lucifer, sa mission terminée, reviendra le dernier, et alors se réalisera la parole de saint Paul : Dieu sera tout en tous.
Vous ne serez pas surpris de l’histoire que je vais maintenant vous raconter : M. Chapas rapporte qu’un jour M. Philippe posa aux personnes présentes à la séance cette question : – « Si vous rencontriez le démon les mains liées derrière le dos, que lui feriez vous? » – Une personne répondit : « On le tuerait » – Une autre : « On le tuerait pour anéantir le mal. » M. Philippe dit alors : « Non, il ne faudrait pas le tuer, car Dieu a tout créé. Il a créé le démon pour nous faire avancer. Il faudrait, au contraire, lui tendre la main et faire tout ce que nous pourrions pour le ramener, mais ne pas lui faire du mal. Et demander à Dieu qu’il puisse s’améliorer. »
Ce n’est ni Adam ni Lucifer qui nous ont mis dans la situation où nous sommes. C’est nous-mêmes et nous ne devons nous en prendre qu’à nous si notre situation n’est pas ce que nous aimerions qu’elle fût. Dieu nous a tout donné. Il nous a montré le chemin du retour, Il nous a envoyé des guides, des aides, Il nous a fait le don suprême : Jésus-Christ, notre Seigneur. Il nous place dans les meilleurs conditions possibles pour travailler, pour nous élever. Chaque jour, Il nous donne des témoignages de Sa sollicitude et de Son amour.
Acquérir la Connaissance, quand bien même cela impliquerait pour l’homme qui part à la conquête de la lumière des erreurs et des fautes, ce n’est pas un mal, ce n’est pas un piège, c’est la voie ouverte devant la créature pour qu’elle revienne à son Créateur, c’est le moyen providentiel qui lui est donné de réaliser sa destinée éternelle.
1er octobre 1961
C’est à Augustin (saint) que l’on doit la création du terme de « péché originel » pour désigner l’état dans lequel se trouve tout homme du fait de son origine terrestre. Sa conception du péché originel aura une grande influence sur la théologie en Occident. L’Église catholique a élaboré et affiné sa doctrine sur la transmission du péché originel principalement à deux époques : d'abord à la suite de la critique du pélagianisme par Augustin d’Hippone, puis au 16ème siècle, en opposition à la Réforme protestante.
Nous lisons aussi dans l’Évangile apocryphe de Marie (7, 11-28) : « Pierre lui dit : “Puisque Tu te fais l'interprète des éléments et des événements du monde, dis-nous : Qu'est-ce que le péché du monde ?” Le Maître dit : “Il n'y a pas de péché. C'est vous qui faites exister le péché lorsque vous agissez conformément aux habitudes de votre nature adultère là est le pêché. Voilà pourquoi le Bien est venu parmi vous ; Il a participé aux éléments de votre nature afin de l'unir de nouveau à ses racines.” Il continua et dit : “Voici pourquoi vous êtes malades et pourquoi vous mourrez, c'est la conséquence de vos actes ; vous faites ce qui vous éloigne... Comprenne qui pourra !” »
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