par Rubys Botréas
Dans mon article précédent – « La vérité vous affranchira » – j’ai essayé bien maladroitement de vous parler de cette vérité qui libère, rien à voir avec cette vérité de la raison qui donne pouvoir sur autrui. Ces quelques lignes n’auront certes pas suffit à différencier cet idéal du raisonnable, de cet élan de liberté qui affranchit les cœurs sur les hauteurs de l’être, et invite les consciences à regarder avec l’intelligence du cœur : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » (Saint-Exupéry)
Dans le prolongement de cet article, je souhaiterais vous faire partager mon attachement au Prologue de l’Évangile de Jean. Sédir nous donne quelques indications sur les caractères propres à chacun des quatre récits évangéliques. « Celui de Jean est le plus mystérieux, le plus incompréhensible, il ne s’occupe que de la divinité du Christ, et des rapports du Père avec le Fils, on pourrait l’appeler l’Évangile de l’Esprit. Cet évangile a toujours joui d’une grande faveur auprès des écoles que l’église de Rome qualifie d’hérétiques. » (1)
Quant à l’étude de cette perle précieuse que sont les quatre évangiles, la plus grande prudence nous est recommandée. Je considère qu’à l’intérieur de ces écrits règne l’Esprit de Dieu. Celui de Jean par son aspect direct paraît-être le plus proche de l’homme.
Le prologue à lui tout seul contient l’essentiel. L’apôtre Jean nous explique comment s’unir à ce Dieu intérieur, commencement de tout ce qui est. Ce n’est pas la foi qu’il utilise pour nous conduire à son enseignement, il nous demande une libre objectivité pour garder l’ouverture à ses confidences, qui s’adressent à chacun de nous en particulier. Ce cheminement conduit notre esprit à s’adapter à l’action du réel, ce n’est plus la vérité révélée, c’est la vérité pragmatique qu’il nous suggère, susceptible d’applications pratiques dans la vie courante.
Il fallait un témoin qui reconnaisse cette source originelle, Jean Baptiste devait se retrouver face au Seigneur pour qu’à la vue de cette présence, au son de cette voix, l’esprit de Dieu résonne au plus profond de son être, l’homme qu’il était, retrouvait la vérité de son origine.
Se reconnaître est l’aboutissant à ce tenant de la source originelle, la conscience de la présence de cette lumière qui éclaire tout homme. « Grâce à cet acte, accueil volontaire de l’homme, l’esprit humain est en mesure de laisser l’existence pour retrouver le chemin de la vie. » (2)
L’apôtre Jean nous montre que l’acte de Jean Baptiste est fondamental pour l’accomplissement de chacun. Il fallut que l’homme le plus grand parmi les fils de la femme reconnaisse la lumière de la vie pour que tous les hommes à venir puissent à leur tour, avec leur libre arbitre, reconnaître l’origine de l’être qui les habite. Ainsi la minuscule graine de l’incarnation pouvait désormais commencer son travail de germination dans l’âme humaine.
Lorsque les Juifs envoyés des prêtres adorateurs de la loi viennent trouver Jean Baptiste pour lui demander qui il est : Il leur clame, avec la toute puissance de son être, ces paroles dont l’écho se propage encore de nos jours sur l’aridité de nos certitudes : « Je suis celui qui crie dans le désert où vos esprits se perdent. Rendez droit le chemin du Seigneur qui conduit à vos cœurs pour que sa vérité s’y installe et demeure en vous. »
Prenons garde de ne pas être comme ces adorateurs de la loi obstinés par la raison de leur parti pris.
L’homme, pour comprendre la présence divine doit se servir de son esprit, mais il ne doit pas oublier que connaître c’est naître avec, sa raison à besoin de se nourrir d’images et de sentiments ; la science des symboles, des métaphores et des paraboles, tel que l’évangile nous les présente, ce langage universel de la tradition orale, conduit à l’esprit d’ouverture et à l’acte mesuré.
Ainsi prenant son bien dans l’équilibre des deux, la raison et le sentiment, il acquiert l’intelligible, qui le guide vers la vérité libératrice.
Toute religion nait de l’Esprit de Dieu, rien n’existe que par sa volonté ; ce sont les actions des hommes qui les conduisent, qui les vident de leur sens. « Leurs torts c’est de vouloir en assurer leur triomphe par des moyens appropriés par ceux qui les combattent. Dans l’état d’ignorance on est amené à admettre des choses pour des raisons contraires à ce que commande la réalité. Quand à l’erreur elle consiste pour l’homme à croire qu’une chose relève de tel état qui convient à son désir à lui ; là encore la cause détermine la croyance qui repose sur des raisons contraires à la vérité. » (3)
Le seul vrai chemin que nous suggère l’apôtre Jean, « c’est celui de la vigne véritable » (4) qui ne conduit pas à l’erreur, parce qu’il se prononce uniquement sur le comportement intérieur de l’homme qui chemine avec le Dieu intérieur, l’AMOUR. Il ne juge pas, il accepte la différence, il pardonne, la vie reste son bien essentiel.
Il faut beaucoup, beaucoup de courage pour apprendre à aimer, nous en manquons souvent. Peut-être son attribut, l’empathie nous sera plus accessible. Essayons sans relâche d’être vrai avec nous-même, vigilant dans nos rapports avec autrui, pour que cette vérité choisie éveille nos cœurs à Son ineffable Présence.
(1) L’Enfance du Christ, les Amitiés spirituelles, p. 19.
(2) Luc 15, 12-32.
(3) Abd el Kader, Lettre aux Français, Phébus libretto.
(4) Jean, 15.
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