par François Laloge
Le héraut est le Kérukès des grecs, le messager qui enseigne et aussi annonce la bonne nouvelle, porteur du Kêrúkion (1), c’est-à-dire le caducée d’Hermès. Cette origine vient situer l’héraldique comme étant une branche active et importante de l’hermétisme (lequel faisait encore à l’époque la synthèse entre les faits de la Science, et les phénomènes de la Foi). C’est l’hermétisme qui transmet l’enseignement par le moyen du symbolisme, d’une langue et d’une écriture voilées. Le blason est la description des armoiries, il utilise un langage à clé dont la partie la plus importante, qui est interprétative, reste l’apanage des hérauts d’armes, qui la reçoivent et la transmettent oralement. La clé de ce langage nous est donné par de rares allusions dans quelques ouvrages ; lire attentivement le discours du clerc anglais dans Rabelais (2), aussi un très curieux ouvrage de Francesco Colonna Le songe de Poliphile. À la fin du XIXème siècle, Grasset d’Orcet publia dans la Revue Britannique une série d’articles sur le « gay sçavoir ». Ces articles ont été récemment traduits et publiés en 2 volumes (tirage réduit que l’on peut se procurer auprès de libraires spécialisés) (3).
Quoiqu’il en soit le blason surgit au temps même où la Chevalerie dans son essence connaissait une résurgence, une restructuration. Le tout largement inspiré par ce que nous appellerions une campagne publicitaire, chansons de geste véhiculées de château en château, de village en village par les troubadours ou trouvères ( nous citerons Gormont et Isambart (4) qui contient aussi des éléments proto-héraldiques). L’héraldique vint occuper une place importante et prépondérante dans cette société en gestation.
La Chevalerie de cette période n’est pas une institution chargée, comme ce fut le cas plus tard, de distribuer des récompenses, des titres, des distinctions. Elle n’a strictement rien à voir avec la pompe et les honneurs, elle n’est pas l’apanage de la noblesse, même si l’apport de la noblesse dans ses rangs était largement le plus important (ce qui est naturel puisqu’une grande partie de la noblesse était formée de guerriers). La noblesse, le métier des armes ne conférait pas la Chevalerie (François 1er fut ordonné Chevalier par Bayard, l’un des derniers témoins vivant de cette institution).
Un de mes vieux et bien cher ami, à présent disparu, avait répondu à certaines de mes préoccupations au sujet de L’Ordene de Chevalerie, par une longue lettre... Je considérai alors que la Chevalerie, restructurée et rénovée sous l’inspiration de quelques Inconnus était venue établir une liaison, jeter un pont entre le pré-christianisme et la nouvelle alliance, venant offrir aux forces vives de la société occidentale, à la jeunesse guerrière turbulente, un peu fruste et cruelle parfois, un dérivatif, parce que la Chevalerie est secrète et insaisissable n’ayant rien à revendiquer, parce qu’elle se vit dans l’exercice d’une recherche jamais satisfaite et que son active sollicitude pour autrui ne procède que de la seule joie d’aimer dans le secret du mystère qui hante le chevalier.
« La Chevalerie, à la seule dévotion du Père, est au service de personne, ni d’aucune institution, pas même sans le dire, des églises, car un courant spirituel n’a pas besoin d’être défendu tant que ceux qui le prônent ne sont pas compromis, et si ceux-ci se sont compromis l’emploi de toutes armes temporelles ne pourrait qu’aggraver leur cas.
« Une cité peut opposer aux méchants ou aux pillards des soldats, mais le chevalier est quelque chose de plus qu’un soldat, et le mécréant (celui qui croit mal) ne saurait trouver aucun motif de mieux croire dans la puissance des armes temporelles qu’on pourrait lui opposer : “Remets ton épée à sa place”, dit Jésus à Pierre dans le jardin de Gethsemani.
« Si le glaive, en principe, ne frappe plus le mécréant, auquel on s’accorde désormais à reconnaître le droit d’exercer ses facultés de conscience, il reste [à la] “civilisation qui se prétend chrétienne” à témoigner positivement des valeurs dont elle se prévaut. Or la “charité calculatrice” que nous appelons plus prosaïquement “aumône”, n’est que tromperie, quand bien même elle serait exercice “pour” l’amour de Dieu (cruelle et criminelle illusion) car nul ne connait l’amour de Dieu qui ne le possède, et seule n’est donc authentique que la charité qui s’exerce “dans” l’amour de Dieu.
« Un témoignage réellement conforme au contenu de la Foi est donc ce dépouillement effectif du Chevalier qui ne choisit ceux qu’il secourt autrement qu’en raison de leur réel besoin d’être secourus, sans acception de personne. »
Ne croirait-on pas entendre peut-être s’exprimant sous d’autres formes des voix qui nous tiennent particulièrement à cœur.
Jean l’évangéliste, arrivé au terme de sa vie n’arrivait à formuler que cette simple phrase : « Mes petits enfants aimez-vous les uns les autres. » Jean n’a écrit que trois épitres, tout au moins nous ne connaissons que ces trois. Lisez-les avec tout votre cœur, là sont contenus toute la Loi et les prophètes.
De l’antiquité à nos jours nous avons fait un trop court voyage dans le temps afin de retrouver tant dans l’anté-christianisme, que dans le christianisme les seules valeurs qui peuvent nous redonner la confiance, l’espérance, la joie d’une arrivée dans la Maison du Père.
(1) Du grec ancien : le sceptre du héraut.
(2) Le chapitre 13 de Pantagruel.
(3) François Laloge a écrit ce texte dans les années 1980.
(4) Chanson de geste de la seconde moitié du XIème siècle.
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