par Chappuis
Entreprise délicate qui consiste à donner sa propre perception à ce que représente pour soi l'intuition. Pour tenter cette démarche il faut avoir présent à l'esprit les diverses expériences qui nous ont fait pressentir ce mode de connaissance, en s'appuyant sur des avis extérieurs à soi.
Le monde du dehors dans toute son étendue, parvient jusqu'à nous grâce aux cinq sens connus dont nous avons été dotés. Nous savons aussi que le développement de ces sens n'est pas uniforme chez un individu et qu'il diffère de celui de son voisin, étant entendu que l'organe approprié peut être manquant ou atrophié. Donc notre perception du monde sensible varie d'une personne à l'autre.
Jung présente l'intuition comme une des fonctions fondamentales de l'esprit, la décrivant comme « la perception de toutes les possibilités qui gisent dans une situation ». Et il ajoute : « nous devons être très reconnaissants au Ciel de posséder une fonction qui nous octroie certaines lumières sur ce qui est par delà les choses. » Autrement dit l'analyse rationnelle des informations transmises par nos sens n'est pas suffisante pour appréhender la totalité du monde.
L'intuition apparaît comme le fil le long duquel s'écoulent les messages que notre inconscient veut nous transmettre. Ces perceptions immédiates d'une réalité qui s'impose à nous, brutalement parfois, sont un des modes de communications que notre être intérieur utilise pour répondre à nos interrogations, nos quêtes, voire nos doutes. M. Philippe parle de clichés qui se présentent à l'homme, qu'il saisit ou ne saisit pas, au sens physique du terme. Car non seulement nous sommes libres de recevoir ou non une image intuitive, mais aussi nous ne devons pas négliger la propreté de cette image, ne sachant pas d'où elle provient. C'est cela qu'évoque Besson dans son article.
Non seulement les artistes, mais aussi les scientifiques se sont servis et se servent de ce prodigieux outil. Nombre de lois mathématiques et physiques se sont imposées à leur découvreur sans qu'ils puissent donner une explication rationnelle immédiate. Il y a une fulgurance qui parfois nous fait douter de cet avis que le Ciel nous envoie.
Pour d'Eckhartshausen le sens intuitif sert non seulement pour la perception du monde sensible, mais surtout pour le monde transcendantal pour lequel nos 5 sens ne sont pas faits. Mais son ouverture, ainsi que le présentent Sédir et Besson dans les deux précédents articles, dépend plus de la relation de proximité que l'homme entretient avec le Ciel que de quelque entraînement psychique volontaire.
Cette connaissance immédiate des choses – telle est présentée l'intuition – est une vue rapide d'une démarche plus complexe. Ce n'est, à mon avis, que l'aboutissant, certes rapide, à des séries d'efforts, qu'ils soient intellectuels pour résoudre tel problème mathématique par exemple, ou qu'ils soient mis dans la fidélité au devoir quotidien, les deux pouvant en plus être reliés par la prière, cette humble connexion permanente. Lorsqu'une mère sait par avance que son enfant va être malade, ne le perçoit-elle pas alors par le canal de l'intuition ? Parce que la vie de son enfant est reliée à elle ; un fil qui la relie au-delà du cordon. Il en est de même lorsque nous ressentons quelque chose pour un proche, car un lien nous relie à cet être, un lien d'amitié, un lien d'amour. Tout se passe alors comme si nous baignons dans un champ d'informations auxquelles nous avons accès avec un code particulier du à la proximité.
Eckhartshausen nous laisse d'ailleurs entrevoir dans la Nuée sur le Sanctuaire qu'il y a un autre degré qui « ouvre l'homme intérieur tout entier », un degré où, comme le dit Marc Haven, on « ne sait rien, ne désire rien, c'est-à-dire que l'on attend tout de l'Inconcevable qui est en nous comme nous sommes en lui. » La nouvelle naissance en quelque sorte : « Personne, à moins de naître d'en haut, ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jean, 3, 3).
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