par Laflèche
J'avais dix-sept-ans et j'étais trop sérieux. Inquiet. Le ciel bleu de Provence était au beau fixe. Mes pensées pourtant tambourinaient comme la pluie. J'allais par les collines, foulant les sentiers. La nature était mon premier réconfort. Je cherchais le sens de la vie. Mes compagnons de route étaient les poètes et les écrivains. Je cherchais réponse à tout à travers la littérature. Les philosophes m'avaient laissé sur ma faim, puis je me perdis dans une littérature anglo-saxonne où l'on parlait de Dieu. Un Dieu tout puissant, qui exauce tout. Il suffisait de vouloir, de penser très fort à ce que l'on désire et cela devait se réaliser. Le pouvoir de l'esprit et la puissance du mental. Puis un jour arriva la surchauffe. Une fièvre intérieure. Un mur autour de moi. Les méditations, les mantras, la pensée positive n'avaient produit en moi que désillusion. Je me revois un jour, stoppé dans mon errance par une grande impuissance. Une fin du mois de mai. Un cri intérieur auquel répondait le silence de la nature. C'est à ce moment là que j'ai appelé au téléphone celui que je connaissais si peu, que j'avais a peine croisé:
– Allo ? Je ne sais plus où j'en suis, ça ne va pas du tout.
– Tu as un moyen de te déplacer ? J'habite à telle adresse, viens maintenant.
Et me voilà, avec ma mobylette, allant frapper à la porte du domicile de ce presque inconnu.
Je débarque à neuf heures du soir et découvre un couple qui m'accueille tout naturellement. Et nous voilà parlant de la pluie et du beau temps. Nous buvons. Nous mangeons. Lui et moi, nous fumons ses cigarettes. Il n'arrête pas de parler, de tout, de choses finalement très communes. Quelle n'est pas ma surprise, moi qui venait avec une batterie de questions existentielles de la plus haute importance ! J'ai vite oublié mes questions. J'écoutais cette voix caverneuse, chaude, profonde. Cette voix de celui qui était déjà passé par les mêmes sentiers avant moi. Je sentais la fièvre disparaître. Je sentais une grande détente m'envahir.
Il me glissa à la fin de la conversation l'importance de relire l'Évangile. Il aimait bien aller à la conclusion des choses, c'est-à-dire à l'essentiel. Il y aurait dans ce fameux livre les réponses à mes fameuses questions. Celles que je n'avais pas eu besoin de poser autour de la table familiale. Au bout d'une heure, je prenais congé, rasséréné.
Je me revois le lendemain, dans mes collines, ouvrant l'Évangile que j'avais emporté avec moi. Par quel mystère, je me demande encore, je tombais sur le chapitre VII de Matthieu. Ce passage qui commence par : « Demandez et il vous sera donné. » Quel choc de se plonger dans cette lecture ! C'est l'émotion qui l'emporta. C'est, depuis, le plaisir de se sentir uni à une famille dont fait partie ce grand frère qui dut faire les quatre cent coups, avant nous, sur cette planète et qui a su en tirer les leçons pour lui-même et les autres. Et, c'est aussi par l'intermédiaire de ce frangin, la certitude d'avoir retrouvé l'Ami, celui qui est toujours vivant avec nous.
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