par Sédir
Les Évangiles ne nous parlent que bien rarement de la Nature, ils ne nous disent pas l’universel renouveau et l’allégresse générale que la naissance de l’enfant Jésus fit éclater tout alentour, et nous, qui nous croyons plus affinés et plus sensibles que ces juifs d’autrefois, nous n’y pensons pas, non plus. Une fausse compréhension de la vie mystique nous fait séparer dans notre esprit les magnificences de la terre et les splendeurs des cieux spirituels. Nous ne réfléchissons pas que celles-ci sont cependant les sources de celles-là. Les forces descendues des cieux temporels n’atteignent pas infailliblement les formes terrestres qu’elles doivent vivifier, parce qu’elles ne parviennent ici-bas qu’après des détours et de nombreuses réfractions. Mais les forces faillies du Royaume éternel, atteignent toujours et en plein leur objet, parce que la densité d’aucun milieu ne saurait modifier leur trajectoire, parce que l’hostilité d’aucun adversaire ne peut leur barrer le passage.
Dieu, c’est la vie plénière et totale et toujours débordante, Dieu, c’est la joie des résurrections, des réconciliations et de toutes les accordailles ; Dieu, c’est l’allégresse de la jeune espérance, qui chemine par les sentiers terrestres en nous tenant par la main, comme une petite fille qui chante sur les chemins de l’école. C’est pourquoi le serviteur de Dieu, en qui l’Esprit habite, sème la vie autour de lui, le tronc mort sur lequel il pose le pied dans la forêt verdoie de nouveau, et l’animal malade qu’il touche retrouve sa vigueur.
Le sentiment infaillible des foules aux âges de foi savaient bien que le Verbe n’avait pas pris contact avec la Matière sans que celle-ci ne tressaille comme un chien somnolent qui, à l’approche de son maître, bondit et s’élance avec mille démonstration. La plus profondément populaire des fêtes religieuses, c’est celle-là, celle du petit Enfant qui arrive et de qui le Monde attend tout.
À la minute même où Jésus naquit, ce ne fut pas seulement la terre, mais tous les astres qui bondirent de joie et qui goûtèrent les prémices de cette allégresse très pure au sein de laquelle se développeront à l’infini toutes leurs puissances éveillées, lorsqu’ils seront parvenus aux parvis éternels. De même qu’au Calvaire les rochers se fendront, les plantes sécheront, les animaux trembleront et le soleil se voilera, à Bethléem l’aurore de ce jour unique fut plus transparente, les animaux plus joyeux et plus doux, les fleurs plus parfumées.
Le bonheur que le Ciel nous apporte dans ses brèves visitations, nous est versé par les mains des anges. Les légendes qui nous les décrivent familiers et secourables disent vrai. Non seulement près des formes terrestres vivent toutes sortes d’esprits et de génies mixtes, dans l’être desquels la Lumière et l’Ombre se combinent en proportions variables, mais encore les purs serviteurs de la Lumière pure se pressent pour nous transmettre les bontés du Seigneur.
Dans le Royaume, en effet, tout est un individu. Quand on regarde la terre du point de vue de l’éternité, tout apparaît comme un être : l’eau, le vent, la pluie, chaque montagne, chaque continent sont devant nous alors comme des individus, avec de l’intelligence et de la liberté, donc parfois désobéissants. Chaque pensée de Dieu est un ange toujours obéissant. Les relations de Dieu avec la Nature et avec l’Homme, lorsqu’elles sont directes, sont des cohortes de serviteurs empressés que les contemplatifs voient sous la figure d’enfants avec des ailes, parce que leur obéissance est immédiate, joyeuse et totale.
Dans quelle immuable allégresse le Disciple ne devrait-il pas vivre ? Entre lui et son Christ circule sans arrêt une double file d’anges montant ses vertus et lui descendant des bénédictions ; qu’a-t-il à craindre, de quoi pourrait-il s’inquiéter, puisqu’il donne sans cesse ce qu’il reçoit et qu’il vérifie sans cesse la puissance des sollicitudes divines ? Si nous pouvions, chaque fois qu’il nous est donné de vivre une nouvelle nuit de Noël, nous souvenir de ces réalités, nous en nourrir, les faire passer jusque dans notre chair et dans notre sang, comme l’existence la plus morne s’éclairerait, comme nous serions heureux, comme nous rayonnerions le bonheur !
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