par Léon Vallée
Un homme, si nous le regardons tout simplement avec nos yeux, c’est d’abord une masse de matière parfaitement organisée, un corps.
Tout le monde sait ce que veut dire ce mot corps et, pour le sujet qui nous occupe, il n’est pas nécessaire de faire un cours d’anatomie.
Nous pourrions dire que c’est notre partie animale, dont la composition en muscles, nerfs, os, sang, etc., n’est pas très différente de celle d’un singe.
Sur notre petite Terre, cette partie animale revêt une grosse importance. C’est elle qui est l’instrument nécessaire à la réalisation de nos actes ; c’est pour entretenir ses parties constituantes, les cellules, qu’il nous faut absorber de la nourriture, faire de l’exercice et prendre du repos ; elle est indispensable à la génération de notre descendance.Ce corps, nous le soignons avec beaucoup de sollicitude parce que nous n’en avons pas d’autre, ici, à notre disposition. C’est pour satisfaire à ses besoins que nous sommes occupés, pendant la plus grande partie de notre existence, à nous procurer ce qui lui est utile : nourriture, vêtements, abri, sans compter le superflu.
Son importance est indéniable, mais nous pouvons nous demander si ce corps, sur terre, représente tout ce qui est « Nous ».
La réponse est facile : Non, et je vais essayer de vous le démontrer.
Nos savants, tout le monde sait cela, ont étudié le corps humain dans toutes ses parties et ont prouvé que les cellules qui le composent, quoique réunies pour former un ensemble, ont une vie indépendante et peuvent, par conséquent, être détachées du corps tout en continuant d’exister, sous certaines conditions.
Pensez donc à ceci : si la science était assez avancée, il serait possible de diviser un corps en un grand nombre de parties et nous arriverions à ce résultat : Tout ce qui constitue la matière du corps serait encore en vie et l’homme, cet être qui était représenté par le corps, aurait cessé de vivre !
Vous serez bien obligé de convenir avec moi que l’homme n’est pas seulement l’ensemble des cellules en question. Il est, obligatoirement, une force qui maintient les dites cellules dans un ordre déterminé, pour former le corps que nous regardons et que nous pouvons, par son apparence particulière, reconnaître parmi d’autres, différents.
Voyez cet homme fatigué ; son corps réclame le sommeil, mais l’homme, qui a encore du travail à faire ne « veut » pas dormir ; il « oblige » le corps à rester éveillé. Il y a antagonisme, le corps désire le sommeil ; quelque chose (?) s’y oppose et exige le contraire.
Pendant la guerre, que d’exemples frappants : le corps tremblait de peur, quelque chose (?) l’obligeait à braver la mort, c’est-à-dire son anéantissement !
La distinction est bien nette et ne supporte pas la discussion : d’un côté, le corps ; de l’autre côté, une force qui modèle le corps et s’en sert comme d’un instrument. Il est évident que si cette force et ce corps ne faisaient qu’un, il n’y aurait pas antagonisme.À cette force, dont l’existence n’est pas niable, nous donnerons le nom d’esprit.
Si le corps est un instrument qui vit, boit, mange, dort ; il lui faut un maître pour accomplir autre chose que des actes d’animalité.
Ce maître, l’esprit, est la partie intelligente qui, en nous, raisonne, pèse le pour ou le contre, prend des décisions, discute politique et philosophie.
C’est lui, pour moi, par exemple, qui a trouvé les mots que j’écris en ce moment et qui, chez vous, force l’attention pour comprendre, accepter ou critiquer ce que vous lisez.
C’est l’esprit qui trouve l’énergie nécessaire pour créer ou diriger une affaire commerciale, apprendre ou exercer un métier, qui profite des périodes d’éducation et d’étude de l’enfance, apprend et applique les usages du monde.
C’est encore lui, l’esprit de l’homme, qui s’ingénie à satisfaire aux plaisirs qu’il recherche,à fuir les souffrances qu’il redoute, à éviter les ruses et les embûches des esprits des autres hommes.
Sans cesse, l’esprit est en activité pour augmenter ses connaissances ; ses élans l’emporteront vers les sciences ou les arts, vers la diplomatie ou l’armée.
Je n’en finirais pas si je voulais énumérer tous les avantages, les prérogatives, les qualités et les défauts de l’esprit. Ce que j’ai voulu démontrer, c’est qu’il existe, en nous, une force qui n’est pas le corps et qui, presque toujours, s’impose à ce dernier.
Il est donc logique de dire que le corps est, volontairement ou non, au service de l’esprit, qui le dirige.Pour diriger ou s’imposer, il faut être, normalement, supérieur à ce qui obéit ou subit.
Je puis donc dire, sans crainte d’être démenti : « L’homme se compose d’un corps et d’un esprit, le premier inférieur au second ».
Cette dualité, corps et esprit, représente une association, dont la réalité est évidente et qui forme ce que nous désignons par « la Personnalité humaine ». Il importe peu qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme ; pour le cas qui nous occupe, la formation est la même et je continuerai à employer le terme « homme » pour désigner les deux.
À l’appui de ce qui précède, permettez-moi de vous rappeler des expressions populaires d’une vérité saisissante. On dit couramment d’un être fou ou inconscient « il a perdu l’esprit » ou encore « c’est un faible d’esprit ». Ces expressions, employées depuis toujours, sont si claires qu’elles se passent de commentaires.
Chaque jour, partout, nous constatons qu’il n’est pas deux « personnes » exactement semblables. Pourquoi ?
Nous remarquons des différences corporelles faciles à expliquer par les dissemblances existant déjà entre les générateurs des corps, les pères et les mères. Ici, incontestablement, l’hérédité se fait sentir.
Ces différences sont faciles à constater parce que nos yeux les voient, mais il n’en est pas de même pour l’esprit, la partie la plus importante de la personnalité humaine.
Cet esprit, dont il nous est possible de constater l’influence et de comprendre l’importance à ses effets, ni nos sens, ni nos instruments, ne peuvent l’analyser ; sa substance, invisible, impalpable, s’il en a une, ne peut être enregistrée.
Si les parents étaient les générateurs des esprits de leurs enfants, les causes de différenciation seraient les mêmes que pour les corps, mais il existe, entre les membres d’une même famille, des différences telles qu’il nous faut écarter cette hypothèse.
En effet, des parents bons et intelligents engendrent quelquefois des incapables ou des méchants, ou l’inverse ; des frères jumeaux peuvent être très dissemblables intellectuellement et moralement, malgré des corps presque identiques. Il serait possible de classer les êtres humains par ressemblances corporelles et catégories anatomiques. Dans chaque classement, nous trouverions des hommes qu’il serait possible de confondre physiquement l’un pour l’autre (qui n’a pas son sosie ?) ; et, cependant, si nous les examinions au point de vue mental, moral, – de l’esprit, enfin – cette confusion ne serait plus possible ; nous constaterions en effet un tel contraste qu’il ne nous serait plus permis de supposer que le corps et l’esprit proviennent d’une même source.
Revenons à notre question : Pourquoi n’y a-t-il pas deux personnes exactement semblables ?
Il est évident que l’esprit ne pourra faire traduire entièrement ses directives que si le corps accepte d’obéir ou peut obéir. De même, le corps ne pourra donner son maximum de possibilités que si l’esprit en a soin, ménage ses efforts et lui procure ce dont il a besoin.
Il est clair, n’est-ce pas, que pour réaliser une personnalité bien équilibrée, il faut un sacrifice réciproque ; librement consenti, de la part du corps et de l’esprit. Retenez bien ces deux mots « sacrifice réciproque » ; à eux seuls, ils représentent une Loi et nous aurons l’occasion de les retrouver, en d’autres circonstances.
Léon Vallée, Vérités pratiques sur la vie humaine, 1933.
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