par Marcel Renébon
Je passais quelques jours dans un village presque abandonné des Alpes. Le calme sauvage de la nature, la solitude m’avaient paru convenir à la réflexion. J’allais chaque matin lire saint Bernard à deux heures de marche des maisons, à l’endroit où la neige d’automne rejoint l’herbe jaunie. J’interrogeais non seulement saint Bernard, mais encore le souvenir de mes joies, de mes luttes, de mes angoisses, de mes lectures, de mes rencontres, de mes défaites. Dieu ou pas Dieu ? Cette question, je la posais aux mélèzes, aux rochers, aux cimes.
Un soir, l’angoisse crispait davantage mon esprit, lassé par une année de doutes et de travaux intellectuels. À la tombée du jour, je quittai la maison de mon hôte et m’éloignai en direction de la crête qui barre la vallée d’une prodigieuse muraille de neige et de rocs. À mesure que je montais sur le sentier désert, ma prière et ma révolte se mêlaient davantage, comme nourries par les tourments du chemin. Plus d’autre bruit qu’au loin celui d’une cascade. Je savais ma solitude certaine. À cette heure, les quelques hivernants vaquent à d’humbles travaux du soir, traite des vaches, préparation des laitages, ou s’attablent devant la soupe. Je montais toujours, courbant parfois la tête sous la voûte plus basse des sapins, jetant un coup d’œil, aux éclaircies, sur ce monde minéral rendu funèbre par la descente de la nuit. « Montre-Toi, criai-je à Dieu ; fais quelque chose de net et de grand, un prodige qui ne Te coûtera rien à Toi qui as toute la puissance, que je puisse croire en Toi sans autres hésitations, pour toujours ! »
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