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Le chemin de Damas
C’est le récit de Paul (il prend alors ce prénom) qui fait foi de cette expérience intime vécue sans témoin. Paul affirme que c’est par l’intervention de Dieu que son Fils s’est révélé à lui avec une force irrésistible (rappelons qu’il est projeté à terre, etc.). Non pas le Christ vivant mais le Christ crucifié (1 Co 15.8 et 1 Co 9.1). Au nom de cette conversion, Paul va se proclamer apôtre au même titre que les autres apôtres appelés du vivant de Jésus.
Pour Luc, relate Gillabert « l’apparition n’autorise pas Paul à être un témoin au même titre que les Douze, tandis qu’aux yeux de Paul l’apparition est de même portée et de même nature que celles des apôtres ». Paul le dit : « Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je donc pas vu Jésus (1 Co 9.1) ? »
Mais là pour l’instant, ce n’est pas le point le plus important pour Gillabert. Il veut montrer que la Loi investie avec démesure par Paul, est devenue homicide et l’eut tué (suicide) si le retournement spectaculaire ne s’était pas produit. « Quel substitut de la loi meurtrière allait trouver Paul ? » interroge Gillabert. Il poursuit : « Le paranoïaque […] assure ses défenses, rétablit un équilibre rompu, reconstruit un autre monde sur les ruines de l’ancien [...] Il assure sa convalescence, il bâtit une nouvelle cosmogonie (1). »
L’expérience de Damas est-elle une perception normale voire para-normale ou seulement l’hallucination d’un malade épuisé ? Gillabert, pour démontrer la structure délirante de la construction (2) de Paul qui suit cette expérience, s’appuie tout simplement sur la manière dont ce dernier a verrouillé son discours afin de le rendre inattaquable à toute tentative de déstabilisation.
Comment ce verrouillage s’effectue-t-il ? Qu’affirme Paul ?
Il est tellement sûr de l’authenticité de sa vision qu’il dit : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre message est vide, vide aussi notre foi (1 Co 15.14). »
Gillabert trouve qu’il est bien hasardeux de fonder une théologie sur un a priori de cette nature : « Le Christ est ressuscité parce qu’il m’est apparu sous les traits du Ressuscité, donc l’acte de Foi que je vous demande est fondé. »
Je crois que les interrogations de Gillabert au sujet de cette vision ne viennent pas tant de la rencontre mystique elle-même. Après tout, chacun de nous peut avoir ce type d’expérience, mais celle-ci restera intime ou sera partagée par un petit cercle d’amis seulement. En aucun cas, elle ne pourrait être légitimée pour la construction d’une doctrine qui serait enseignée par la suite au plus grand nombre comme étant la vérité elle-même. C’est ce qui se passe pour Paul.
Par un tour de passe passe, Paul qui s’est familiarisé avec les croyances des Chrétiens au cours de ses exactions contre eux, en connaît suffisamment pour fonder une théologie qui va se différencier de ce que le Christ lui-même est venu nous apporter.
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