par Marcel Renébon
L’amusant livre que vient de faire paraître un homme au nom heureux, M. Gaston Bonheur, s’intitule Qui a cassé le vase de Soissons ?. L’auteur y a réuni les classiques scolaires, les récits historiques, voire les problèmes et les dessins qui ont contribué à former nos esprits pour peu que nous ayons suivi les cours de la « communale ». Oceano Nox rejoint sous couverture tricolore le sapeur Camembert et ces redoutables baignoires qui se vident et s’emplissent par le moyen de tuyaux différentiels et nullement fantaisistes, puisqu’ils sont le prétexte à une « solution ».
Du bonheur, M. Bonheur nous en donne donc, sur un ton attendri qui est agréable. Mais son livre est aussi une sorte de constat de décès, les moyens d’expression de la morale laïque ressortant plus de la rétrospective que de l’actualité. Le « vase de Soissons », c’étaient les effets rythmés de Jean Aicard, exaltant le travail, les raccourcissements de Lavisse, exécutant nos rois mais louant l’idéal républicain, les envolées de Victor Hugo sur la bonté, les textes d’un autre sur le courage de la Tour d’Auvergne, etc. Tout cela formait une morale rudimentaire, naïve, mais imagée et frappante dont les pièces se tenaient. Enfants, nous rêvions parfois d’être Barras ou Bernard de Palissy, ou d’Artagnan, ou encore ce Petit Caporal qui pinça si bien l’oreille des grognards avant de devenir le gros homme malheureux de Sainte-Hélène. M. Gaston Bonheur attribue à l’affaiblissement qui a suivi la guerre de 1914, l’écroulement du pilier laïc, le bris du vase de Soissons, dont on peut dire qu’il a rejoint dans la boîte à ordures les vases sacrés partiellement détruits par la Révolution et inventoriés pour le reste par la Troisième République du petit père Combes.
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